Le Sommeil
ðVoir aussi : Histoire du Sommeil, quatrième partie
A. Généralités
De tout temps on a considéré comme louable et vertueux de se coucher tôt et de se mettre au travail de bon matin.
"Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt".
"La nuit porte conseil".
"Coucher de poule et lever de corbeau écartent l'homme du tombeau".
"Sommeil" vient du bas latin "Somniculus" (Latin "Somnus").
Un sommeil profond est souvent confondu avec la mort. Avalant un puissant narcotique, Juliette trompera même Roméo... et Blanche Neige saura se réveiller au moment crucial. Mais le record du sommeil appartient à la
Belle au Bois Dormant (100 ans!).
Le sommeil est un état physiologique important (le tiers de notre vie) dont la fonction - encore mal connue - n'a donc fait l'objet que d'hypothèses ou de constatations jusqu'à une
découverte fondamentale pour la neurophysiologie : l'invention de l'Electro-encéphalogramme (Hans Berger, 1924 - 1930).
De nombreuses manières d'aborder le phénomène "sommeil" existent : expérimental (le sommeil animal), psychiatrique (interprétation des rêves), électrique (états EEG du sommeil), chimique (étude
des hormones et neuromédiateurs), pathologiques (insomnies, hypersomnies).
Le langage courant regarde le sommeil comme un phénomène actif ("je veux dormir") ou passif ("je tombe de sommeil").
B. Phylogénèse du sommeil
Chez les mammifères, il semble exister une corrélation entre la présence du sommeil paradoxal et la viviparité, les mammifères ovipares en paraissant dépourvus. Chez les mammifères marins, les
Dauphins et une baleine ne montrent aussi aucun signe de sommeil paradoxal. Chez les phoques, le sommeil lent profond survient lorsque l'animal dort n'importe où, alors que le sommeil
paradoxal n'existe que sur terre. Chez la baleine globicéphale, chez certains dauphins d'eau douce, le sommeil ne survient que sur un hémisphère cérébral à la fois. Le comportement de certains de ces animaux
ne change pas qu'ils soient éveillés ou qu'ils dorment. Les oiseaux aussi ont un sommeil calme et un sommeil paradoxal. Chez les reptiles le sommeil donne un aspect EEG très différent des mammifères (accentuation de
pointes). Les poissons présentent des périodes de "quiescence" nocturne.
On a trouvé des périodes de "sommeil" chez des invertébrés marins (aplysie ou lièvre de mer) et chez la mite. La position des feuilles du haricot obéit aussi à un rythme circadien marqué.
Chaque espèce animale adopte une position préférentielle de sommeil. Le chat sur le côté, le renard roulé en boule, le lion sur le dos, le léopard à cheval sur une branche, la chauve-souris suspendue. Cette dernière
dort 20 heures par jour, le hérisson 17 heures, le rat 12 heures, la taupe 9 heures, la vache le cheval et l'éléphant 4 heures seulement.
C. Physiologie du sommeil
Le sommeil est étroitement lié au métabolisme et à la thermorégulation. Toute modification de l'une ou de l'autre de ces deux fonctions retentit sur le sommeil.
Le sommeil correspond à un état de conservation de l'énergie en l'absence d'apport alimentaire, tout en satisfaisant aux besoins de l'homéothermie. Ainsi, la somnolence induite par les températures chaudes
semble faire partie d'ajustements physiologiques associés aux besoins de la thermorégulation. De même, les perturbations du sommeil entraînent des dérèglements thermiques : la privation de sommeil
entraîne une sensation de froid et une moindre capacité thermorégulatrice lors d'exercices physiques modérés.
L'endormissement est une rupture de contact actif entre le sujet et l'environnement, avec adaptation progressive des systèmes végétatifs. La logique interne des mécanismes régulateurs serait
différente dans le sommeil dit "lent" (régulation autonome homéotherme) et "paradoxal" (poïkilostasie). En effet, en conditions d'environnement
critique, le sommeil paradoxal est très réduit, avec effet de rebond lors du retour aux conditions normales. Ainsi, le sommeil paradoxal pourrait représenter chez l'homme une période de
risque particulier.
La rythmicité veille-sommeil des mammifères semble correspondre à une adaptation prédictive aux changements de l'environnement (jour/nuit). Toutes les fonctions
biologiques peuvent être fonction de l'heure ou des états de vigilance. Les rythmes biologiques de certaines hormones (mélatonine, cortisol) sont d'origine essentiellement
circadiennne, d'autres (STH, prolactine) sont liés aux états veille-sommeil. Ainsi l'organisme se prépare à l'environnement par adaptations hormonales, mais aussi en fonction de la probabilité d'état de vigilance.
D. EEG et sommeil
L'EEG associé à l'enregistrement d'autres paramètres biologiques (Rythme respiratoire, Electromyogramme, mouvements oculaires,...) s'appelle la polygraphie. Il a autorisé la mise en évidence d'une rythmicité
des états de sommeil, classiquement séparés en 2 types :
- Le sommeil calme, correspondant en fonction de sa profondeur aux stades EEG I, II, III, IV (richesse du tracé en éléments lents). Le stade I est un sommeil peu profond, le
stade II est caractérisé par l'apparition de rythmes spécifiques appelés "Spindles" ou "fuseaux de sommeil". Les stades III (20 à 50% d'ondes lentes) et IV (plus de 50% d'ondes
lentes) sont ce que l'on appelle le "sommeil calme profond".
- Le sommeil dit "actif" (en raison de mouvements du corps), ou "paradoxal" (car l'EEG ressemble à un EEG de veille),ou "REM" (Rapid Eyes Movements) ou "PMO"
(Phase avec Mouvements Oculaires"). Le sommeil actif survient de façon cyclique toutes les 90 minutes environ.
Chez l'adulte, l'organisation du sommeil nocturne comprend plusieurs cycles avec prépondérance du sommeil calme dans le première partie de la nuit, et apparition dans la seconde phase de cycles plus riches en sommeil
actif (ou paradoxal ou REM). Une phase de sommeil dure environ 90 minutes.
La différentiation entre état de veille et sommeil n'est visible chez le prématuré qu'à partir de 32 semaines de vie. Chez le nouveau né le sommeil est presque entièrement du sommeil actif. Durant
la première année de vie on assiste à une modification rapide de la structure EEG du sommeil, les premiers éléments de type adulte n'apparaissant qu'à 6 semaines de vie. Les stades de sommeil calme ne sont
bien individualisés qu'à partir de 6 mois.
Chez l'adulte le sommeil actif n'occupe que 20 % du temps de sommeil et survient surtout dans la seconde partie de la nuit.
Le sommeil actif correspond aux périodes de rêve.
E. Sommeil et Cerveau
La connaissance des structures anatomiques cérébrales impliquées dans le sommeil a fait un grand pas grâce à l'épidémie d'Encéphalite léthargique qui a suivi la première guerre mondiale. Les constatations
autopsiques révélaient des lésions du diencéphale (profondeurs des hémisphères cérébraux).
Les activités des neurones monoaminergiques du tronc cérébral sont fondamentales dans la régulation des stades de sommeil : l'influence réciproque des neurones cholinergiques d'une part, noradrénergiques et
sérotoninergiques d'autre part, détermine le cycle REM / non REM.
F. Organisation du sommeil
On définit chez l'adulte le temps passé au lit, la période totale de sommeil, le temps total de sommeil (excluant les éveils nocturnes). La latence du sommeil est le temps écoulé entre l'extinction
des lumières et l'apparition du premier spindle suivi d'au moins 30 secondes sans retour au stade I.
L'influence des facteurs individuels est grande. Les durées de sommeil sont très variables selon les individus : de 4 à 11 heures, avec une très nette prédominance pour 7 à 8 h.30. 10 % des adultes
dorment moins de 6 h.30 (petits dormeurs), 15 % plus de 9 H (gros dormeurs). La quantité de sommeil nécessaire est sous la dépendance de facteurs génétiques (jumeaux). Ces facteurs individuels concernent non
seulement les temps de sommeil, mais aussi les horaires préférentiels.
Les petits dormeurs célèbres comptent parmi eux Napoléon I, Churchill,... mais parmi les gros dormeurs on trouve Albert Einstein.
Les explorations EEG montrent qu'il se produit toujours plusieurs réveils au cours d'une nuit même chez le jeune adulte en bonne santé. Le nombre et la durée des éveils augmente avec l'âge.
G. Régulation circadienne et ultradienne
Circadienne = la journée.
Ultradienne = moins de 24 heures.
Infradienne = plus de 24 heures.
Régulation très complexe, qui ne dépend pas directement de la durée de la veille ; en effet il y a corrélation inverse entre la durée de veille et la durée de sommeil qui suivra. Après une dette de sommeil, le
sommeil lent profond augmente notablement. Environ 70% du déficit est récupéré.
Facteurs circadiens : période du sommeil humain en l'absence de facteur Jour/Nuit : 25 heures si le sujet reste synchronisé. Le moment du coucher se déplace vers le minimum de la courbe thermique.
Mais, chez 30% des sujets, survient dans ces conditions une "désynchronisation interne" avec rythmicité différente pour la température et le sommeil : la température reste vers 25 heures
et le rythme veille-sommeil passe à 33 heures. Cette désynchronisation est brutale et survient au bout de 14 jours. On envisage donc l'existence de deux oscillateurs biologiques principaux.
Il semble exister des oscillateurs internes situés dans l'hypothalamus (noyau supra-chiasmatique chez le rat). Il existerait 2 oscillateurs l'un fort (Température, ACTH, Cortisol, Sommeil Paradoxal), l'autre faible
(Veille-sommeil, STH).
Chose curieuse, ce phénomène de désynchronisation interne ne survient jamais chez l'animal. On peut envisager des causes comportementales et cognitives (prolongation anormale de la veille). On a
démontré que chez ces sujets l'appréciation subjective du temps se dilate soudain, et ce dès les premières heures suivant le réveil le jour où survient la désynchronisation, réalisant une "sous-estimation du
temps".
L'aspect monophasique du sommeil de l'adulte placé en situation nycthémérale est la résultante de facteurs circadiens "synchroniseurs" très forts.
Les décisions de coucher et lever sont influencées à la fois par le rythme de la température et par celui de la vigilance. La décision de se coucher survient sur la partie descendante et celle du
lever sur la partie ascendante de la courbe thermique. Les moments du lever sont moins dispersés que ceux du coucher.
Des expériences de "désentrainement" essaient de préciser les rythmes endogènes Ultradiens : Les études "bed rest" consistent à supprimer les phénomènes environnementaux liés à
l'activité physique. On laisse les sujets allongés au moins 24 heures sans aucune activité ni consigne. Dans ces conditions apparaît un rythme de sommeil ultradien polyphasique avec un cycle de 6
heures. On retrouve la tendance à dormir en début d'après midi (sieste) qui est indépendante des repas : allongés dans l'obscurité 80 % des adultes peuvent s'endormir en moins de 15 minutes vers 14
heures, mais 54% du sommeil total correspond à des épisodes survenant entre 23 H et 7 H.
H. Le rythme veille-sommeil
Importance des synchroniseurs sociaux et de l'alternance veille-obscurité. Les synchroniseurs jouent moins durant les périodes de vacances. Ainsi, en vacances, les sujets "du matin"
ne changent pas grand chose à leur habitude, alors que les sujets "du soir" décalent très tard leur coucher.
Les réponses de l'organisme humain dépendent de l'éclairement (photopériode).
Un adulte moyen dort entre 23 H. et 7 H. en Europe. La désynchronisation peut entraîner des retards ou avance de phase très gênants. (sommeil à 18 heures ou éveil après 9 heures). Le besoin de sieste
est variable selon les individus, reflet de fluctuations de vigilance physiologiques, la sensation subjective d'être éveillé suivant grossièrement la courbe de la température. Chez les sujets du
matin, le pic de vigilance précède de plusieurs heures celui de la température, chez ceux du soir il est contemporain ou même postérieur.
La sieste est un phénomène très généralisé. A l'heure de la sieste il n'y a pas de parallèle avec la température interne.
I. Rythmes hormonaux et sommeil
Si l'étude des rythmes infradiens (plus de 24 heures) est ancienne, les études circadiennes n'ont pu se développer qu'avec les techniques de dosage moderne possibles avec de faibles quantités de sang.
Mullen a classé les relations hormones-sommeil en 3 catégories :
Hormones non influencées par le sommeil
Le rythme circadien de l'ACTH est légèrement modulé par la qualité du sommeil. La mélatonine a une sécrétion accrue durant la nuit, son augmentation survenant bien avant l'endormissement ; très influencée par
l'éclairement, on a proposé son administration pour éviter le "jet-lag". La Testostérone a un rythme pulsatile de 90 minutes. La LH dépend surtout de l'âge et du sexe.
Hormones dépendantes du sommeil
La Prolactine a de fortes sécrétions nocturnes. Une privation de sommeil atténue cette sécrétion. La TSH serait inhibée par le sommeil.
Hormones liées à un stade particulier du sommeil
Hormone de croissance et sommeil à ondes lentes. Pic principal en ondes lentes au début de la nuit. Le sécrétion de rénine par le rein est étroitement liée à l'alternance du sommeil lent et du
sommeil paradoxal. L'aldostérone a des concentrations sanguines basses en fin de journée et élevée en fin de nuit.
J. Réactivité de l'Homme endormi
Le bruit peut entraîner des réactions végétatives (variation de la fréquence cardiaque et de la fréquence respiratoire, ou encore vasoconstriction. L'EEG peut manifester une réaction sous forme de ce que l'on
appelle des "complexes K". L'élévation rapide de la température entraîne une réaction sudorale. Le seuil d'éveil est très élevé à la première heure du sommeil, et
diminue beaucoup après 3 heures. Un bruit continu (vagues, automobiles) sera gênant s'il est nouveau, négligé s'il appartient à l'environnement habituel.
K. Le sommeil en environnement extrême
Dans les régions polaires : en 1960 Taylor considérait l'insomnie comme endémique dans les expéditions polaires. Au pôle géographique, la latence d'endormissement augmente et le sommeil lent
profond diminue. Le sommeil paradoxal diminue aussi. Sur les rives de la baie d'Hudson, le sommeil nocturne des sujets exposés au froid est fragmenté. La combinaison altitude-nuit polaire induit une diminution du
sommeil paradoxal et une disparition du sommeil lent profond.
En climat Africain Sahélien : les éveils plus nombreux réduisent le temps de sommeil total et donc l'efficacité du sommeil. Le sommeil lent profond atteint une forte proportion, contrebalancée par un faible taux de
stade 2.
En altitude : l'insomnie peut survenir à 2000 mètres, s'aggravant avec l'altitude.
En milieu hyperbare : A 300 mètres, le Sommeil lent profond diminue au profit du stade 2. Après 400 mètres, le sommeil s'allège encore.
Sommeil dans l'espace : Le premier EEG fut enregistré sur la capsule Gemini VII. Dans les vols Apollo le sommeil était de bonne qualité mais l'insomnie a sévi sur la Lune en raison de l'inconfort des
combinaisons spatiales et du bruit. Les équipages de Skylab et de Saliout dorment bien, mais sont confrontés au mal de l'espace. Par contre, après l'atterrissage, on a constaté une augmentation du sommeil
paradoxal et une diminution du stade 4.
L. Facteurs influençant le sommeil
1. Environnement
Les conditions d'éclairement : chez le rongeur, lorsque le cycle d'éclairement est 12 H. lumière et 12 H. d'obscurité, le temps total de sommeil est réparti 2/3 pendant la phase lumineuse et 1/3 pendant
l'obscurité. L'inversion du cycle lumière-obscurité entraîne en quelques jours l'inversion du rythme du sommeil.
La température : en dessous de 15°, la durée diminue (surtout le paradoxal : instant critique durant lequel l'homéothermie est médiocre). Pour des températures supérieures à 25°, la durée augmente jusqu'à un optimum
au delà duquel il y a diminution rapide puis décès par hyperthermie.
2. L'âge
Les nourrissons dorment beaucoup (plus de 20 heures) et leur sommeil est polyphasique. Le sommeil calme profond diminue à partir de 30 ans, pour devenir parfois complètement absent après 50 ans. Chez
le vieillard le sommeil tend souvent à redevenir polyphasique ; la capacité de rester éveillé dans la journée diminue.
L'enfant n'aura un sommeil de type adulte que vers l'âge de 5 ans. La composition du sommeil n'évolue pratiquement plus. Cependant on constate que les enfants pré-pubères ont un fonctionnement du sommeil
que l'on peut qualifier d'"optimal" : ils dorment 10 heures d'un sommeil continu riche en sommeil profond, et, le jour, ils ne sont jamais somnolents... ce qui explique les difficultés à
les faire tenir tranquilles dans les écoles primaires. Après la puberté, la composition du sommeil change peu, mais une tendance à la somnolence diurne apparaît... somnolence qui ne manque pas de perturber les
obligations scolaires et d'aboutir parfois à des remarques acerbes de l'enseignant sur les bulletins de liaison. Cette tendance à la somnolence est probablement d'origine multifactorielle : modifications
hormonales, problèmes psycho-affectifs, mode de vie : les adolescents tendent à refuser l'heure du coucher imposée comme manifestation de la pression du groupe et à subir les effets du manque de sommeil,
étant donné que leur besoin de sommeil reste élevé entre 9 et 10 heures.
L'infléchissement du sommeil lié au vieillissement est lent, peu spectaculaire, mais irrésistible. Dès la quarantaine, on voit une diminution des ondes delta du sommeil lent profond, sommeil qui peut faire totalement
défaut après 50 ans. Le vieillissement entraîne une désorganisation progressive du sommeil. Eveils entrecoupant le sommeil, chute du niveau d'éveil, besoins de sieste. Il semble que le rythme de température interne
prenne aussi une période plus courte et une amplitude plus faible..
Au delà de 70 ans, la variabilité de la durée du sommeil augmente considérablement.
3. Le sexe
Les hommes dorment moins que les femmes dans les âges moyens (30-60 ans), plus qu'elles quand ils sont jeunes (20-30 ans) ou âgés (+ de 60 ans). Au dessus de 50 ans, les femmes se plaignent plus souvent que les
hommes d'insomnie.
4. Les races
Les Finlandais apparaissent comme dormant plus que les Américains du Nord. On a pu trouver que les adolescents des Etats-Unis dormaient de moins en moins en comparant les mesures actuelles à des données datant de
1910.
5. Hérédité
Chez les souris, les durées de sommeil lent et paradoxal sont très proches dans les lignées pures, avec différences significatives d'une lignée à l'autre. On retrouve ce facteur génétique en comparant le sommeil des
jumeaux homozygotes.
M. Les perturbations du rythme de sommeil
Le décalage horaire : dans les jours suivant un décalage horaire de plus de 3 heures, une perturbation qualitative et quantitative survient, réalisant une désynchronisation d'origine externe. Le
temps moyen de resynchronisation est plus rapide après un vol vers l'Ouest que vers l'Est.
Le travail de nuit : provoque un sommeil décalé, plus court et moins réparateur que le sommeil de nuit. L'intolérance augmente après 40 ans.
Le travail posté : le changement d'horaire nécessite un ajustement répété. Le sujet "du matin" s'adaptera mal aux horaires du soir.
Les anomalies de synchronisation : retard ou avance de phase. Certains sujets ont une absence de synchronisation sur 24 heures aboutissant à des alternances de nuits blanches, de somnolence diurne, d'améliorations
soudaines.
N. La privation de sommeil
La torture de "privation de sommeil" est très ancienne, déjà pratiquée par les romains (Tormentum vigilae), devenue au Moyen-âge Tortura Insomniae. La privation de sommeil était couramment
utilisée pour le lavage de cerveau des pilotes faits prisonniers par les chinois pendant la guerre de Corée.
En 1896, G. Patrick et J. Gilbert menèrent une expérience de veille forcée de 90 heures. Ce fut très difficile dans la seconde partie surtout entre 3 et 5 heures. L'électroEncéphalogramme révèle l'apparition de
micro-périodes de sommeil accompagnées d'un sentiment de "retour à soi".
En 1965 un étudiant californien âgé de 17 ans décida d'établir un record du monde. Au bout de 4 à 5 jours d'insomnie, il devint irritable et méfiant. Il termina son calvaire après 11 jours. Il était resté
éveille 264 heures et 12 minutes. il sombra alors dans un sommeil qui dura 14 heures et 40 minutes, au terme duquel il avait retrouvé toutes ses forces.
De nombreuses expériences sur le thème "se déshabituer du sommeil" ont montré que la réduction volontaire et durable du sommeil nocturne augmente la disposition à dormir le jour. Ceci est à rapprocher des
"rattrapages du week-end" chez les travailleurs.
Une privation de sommeil entraîne toujours une augmentation du sommeil lent, mais non du sommeil REM. La privation sélective du sommeil REM multiplie les périodes de ce sommeil, mais ne
provoque aucun trouble psychique, ce qui va à l'encontre de la croyance si répandue de la nécessité du rêve pour l'équilibre mental.
O. Les troubles du sommeil
1. L'insomnie
Plainte de mauvais sommeil : difficultés d'endormissement, réveil précoce, troubles du maintien du sommeil.
Toucherait jusqu'à 1/3 de la population. 6% des Hommes et 12 % des femmes rapportent des problèmes de sommeil fréquents.
Il s'agit d'une expérience subjective, difficile à analyser compte tenu de son vécu différent selon la personnalité des individus et de sa variabilité dans le temps.
Les études EEG permettent d'étudier l'architecture du sommeil. Il a été démontré que, si l'on réveille des sujets 4 minutes après le début du stade 2 de sommeil, 50% seulement rapportent
avoir dormi. Il faut attendre 16 minutes pour que tout le monde admette avoir dormi. Chez l'insomniaque, l'écart est encore plus grand.
L'insomnie peut être occasionnelle ou chronique, psychophysiologique, psychiatrique, organique (douleurs). Souvent entretenue par la prise régulière de médicaments.
Une insomnie peut être liée à un décalage des mécanismes synchronisateurs : retard de phase ou avance de phase.
2. Les troubles de l'éveil
Sommeil de nuit anormalement prolongé, accès de sommeil irrésistibles, somnolence diurne persistante.
- Narcolepsie-Cataplexie (maladie de Gélineau - 1880) : accès de sommeil irrésistibles de jour, accès de cataplexie (paralysie des jambes lors des émotions - rire), hallucinations
liées au sommeil, paralysies du sommeil. (terrain particulier Groupe Tissulaire HL-A DR2).
- Hypersomnie idiopathique (caractère familial fréquent, pas de HLA, pas d'hallucinations ni de troubles du sommeil nocturne).
- Hypersomnie post-traumatique.
- Hypersomnies récurrentes : le syndrome de Kleine-Levin associe chez des adolescents ou adultes jeunes une somnolence anormale, une mégaphagie, une désinhibition sexuelle et parfois des troubles de la régulation
thermique.
- Syndrome d'apnées du sommeil : initialement décrit chez des sujets obèses (Syndrome de Pickwick ; nom donné par Burwell en 1956 en hommage au talent d'observateur de Charles Dickens : Joe, Valet de Mac
Wardle, membre du Pickwick's Club). Actuellement, la multiplication des enregistrements a montré la grande fréquence de cette pathologie qui associe des ronflements (Ronchopathies et SAS = Syndrome des Apnées
du Sommeil). 31% des hommes et 19% des femmes ronflent chaque nuit. Le ronflement peut dépasser 80 dB c'est à dire avoir la puissance sonore d'un marteau pneumatique !
3. Les parasomnies
Manifestations fonctionnelles liées au sommeil.
- Endormissement : 'Jactatio capitis', Hallucinations hypnagogiques.
- Sommeil lent profond : Terreurs nocturnes, somnambulisme (très fréquent vers l'âge de 11-12 ans : 16.7 %)
- Sommeil lent et paradoxal : rêves terrifiants
- Sommeil léger et paradoxal : somniloquie, bruxisme.
- Enurésie nocturne, fréquente chez l'enfant, primaire ou secondaire.
P. Les médicaments hypnotiques
Les somnifères sont parmi les médicaments les plus utilisés, et cette consommation augmente avec l'âge.
La tendance actuelle est à rechercher des somnifères ayant peu d'effets secondaires et donnant une qualité de sommeil proche de la qualité physiologique. Malheureusement les caractéristiques électriques du sommeil
induit par la plupart des médicaments (barbituriques, benzodiazépines) sont bien loin de celles du sommeil physiologique. Néanmoins les recherches se poursuivent, poussées par un marché des plus prospères. Les
français ne sont pas les derniers consommateurs de somnifères, bien au contraire.
Q. Synthèse
En définitive, pourquoi dormons nous ? Le sommeil semble conditionné à la fois par un rythme circadien et par la durée de l'éveil. Le sommeil profond est directement dépendant de l'éveil
qui l'a précédé. Le sommeil REM serait plus "primitif", plus "endogène".
Toutes les expériences ont montré la grande dépendance des rythmes biologiques du sommeil et de la température. Chez les animaux homéothermes, le sommeil actif est un sommeil à risque, plus
sensible aux variations de température extérieure. Certains animaux utilisent au maximum l'adaptation du sommeil à l'environnement thermique : leur sommeil profond autorise une baisse progressive de la
température corporelle lors des périodes d'hibernation.
L'importance du sommeil paradoxal et sa prévalence dans le sommeil du nourrisson n'est pas clairement expliquée. Chez l'animal, ce type de sommeil est nécessaire à la mémorisation, et des
extrapolations rapides à l'homme avaient conduit à des "méthodes d'apprentissage dans le sommeil". Une hypothèse serait que le sommeil paradoxal serait un sommeil génétiquement important,
et correspondrait aux phases durant lesquelles le cerveau apprendrait la mémoire de l'espèce, la mémoire chromosomique. Ainsi dès avant la naissance le cerveau humain aurait enregistré la plupart des
informations nécessaires à son fonctionnement dans l'environnement que nous lui connaissons chaque jour (Jouvet).
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